Devenir avocat allemand: un résumé de Bastien Lignereux, participant au programme Master droit économique, IEP Paris
6.1.2009
Devenir avocat allemand - un parcours trés différent de celui qu'on connaît en France. Il faut en plus des études universitaires de droit passer deux examens d'état organisés par les ministères de justice et acquérir, après 2 années d'exercice en tant qu'auditeur de justice la capacité de magistrat. Seule celle-ci permet l'inscription en tant qu'avocat allemand (sauf exceptions prévus pour les avocats des autres membres de la communauté européenne). Pour plus de détails veuillez lire le résumé bien clair établi par Bastien Lignereux, participant au programme Master droit économique, IEP Paris
Devenir avocat allemand.
L’Article 4 du Code fédéral de l’avocat (BRAO) régie les différentes voies possibles pour devenir avocat allemand (Rechtsanwalt), au nombre de trois :
- être titulaire de la qualification à la profession de juge telle que définie par la loi allemande sur les juges (DRiG), c’est-à-dire avoir réussi le 2e Examen d’Etat (I) ;
- remplir les conditions d’assimilation à l’avocat allemand telles que définies par la Loi sur l’activité des avocats européens en Allemagne du 9 mars 2000 (EuRAG), prise en transposition de la directive communautaire 98/5/CE (II);
- avoir réussi l’Examen d’aptitude (Eignungsprüfung) défini par cette même loi (III).
I. Qualification à la profession de juge : le 2e examen d’Etat.
La voie traditionnelle pour devenir Rechtsanwalt consiste à réussir les deux « Staatsexamens », ou examens d’Etat, après formation universitaire. En effet l’article 5, al. 1er DRiG dispose que la qualification à la profession de juge est attribuée à celui qui a réussi les deux examens d’Etat après une formation en droit.
La formation juridique débute avec une partie universitaire de quatre années (art. 6, al. 1er DRiG) qui prépare aux examens d'État sous la direction du ministère de justice du Land où le candidat a choisi de passer son 1er Examen d'État. L’article 6 al. 2 DRiG impose certaines matières obligatoires dans les études universitaires : droit civil, droit pénal, droit public et procédure civile, y compris en rapport avec le droit communautaire et en rapport avec les fondements philosophiques, historiques et sociaux du droit. A cela s’ajoutent des domaines où l’étudiant a le choix entre plusieurs matières de spécialisation.
Une fois cette formation universitaire terminée, l’étudiant se présente au 1er examen d’Etat. S’il réussit ce premier examen, il accède à la seconde partie de sa formation juridique : la partie pratique auprès d'une Cour d'appel d'un Land (Referendariat), qui prépare au 2ème Examen d'État. Ainsi, un diplôme universitaire n'est pas suffisant pour l'admission à ce Referendariat. Toutefois, pour les diplômés des autres pays de l'Union européenne, le Conseil Européen a offert la possibilité de reconnaissance des diplômes universitaires afin d'éviter toute exclusion, confirmée par l’article 6 DRiG. Pourtant très peu d'étrangers s'y présentent, le 2ème Examen d'État étant un examen basé sur un savoir complet des études universitaires et deux années de formation post- universitaire.
L’article 5b, al 1er DRiG dispose que le Referendariat dure deux ans. Celui-ci se compose de stages qui s’effectuent obligatoirement au sein de quatre organisations différentes : un tribunal ordinaire en affaires civiles (siège), le ministère public (parquet), une autorité administrative, et enfin un avocat (art. 5b, al. 2). A ces quatre stages obligatoires (Pflichtstationen), l’étudiant peut en ajouter un ou plusieurs autres au sein d’autres organisations pour lesquelles une formation juridique est requise. Cette formation pratique peut s’effectuer au sein d’organisations touchant à plusieurs pays différents (art. 5b, al. 3). Chacun des stages obligatoires dure au minimum trois mois – neuf mois pour le stage obligatoire chez un avocat (art. 5b, al. 4).
Enfin vient le 2e examen d’Etat, qui clôt la formation juridique. En le réussissant, le titulaire est habilité à exercer aussi bien les professions d’avocat et de magistrat, sur tout le territoire de la République fédéral (c’est-à-dire dans tous les Länder, art. 6, al. 2 DRiG).
II. Assimilation de l’avocat européen.
Par ailleurs, un avocat d’autre Etat membre peut également exercer en Allemagne sans être titulaire du 2eme Examen d’Etat, sous certaines conditions.
La directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 précise les modalités selon lesquelles un avocat qui a obtenu son diplôme dans un Etat membre peut exercer sa profession à titre permanent dans un autre.
Tout d’abord, il convient de préciser que ce texte s’applique tant aux avocats exerçant à titre indépendant qu’à ceux exerçant à titre salarié dans l’Etat membre d’origine.
L’avocat souhaitant exercer dans un Etat membre autre que celui où il a acquis sa qualification professionnelle doit s’inscrire auprès de l’autorité compétente de cet Etat membre.
Il convient alors de distinguer deux cas de figure :
- soit l’avocat y exerce sous son titre professionnel d’origine ;
- soit il y exerce sous le titre professionnel allemand (cas mentionné à l’article 4 BRAO ci-dessus).
A. L’exercice de la profession d’avocat sous le titre professionnel d’origine :
- Procédure et conditions.
L’article 2 de cette directive dispose : « Tout avocat a le droit d'exercer à titre permanent, dans tout autre État membre, sous son titre professionnel d'origine, les activités d'avocat telles que précisées à l'article 5. ». Toutefois, en vertu de l’article 3, al. 1er, il est tenu de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de cet Etat membre, c’est-à-dire la Chambre allemande d’avocats (Rechtsanwaltskammer) compétente selon le lieu choisi en l’espèce (Art. 2, al. 1er EuRAG). La Rechtsanwaltskammer procède à l’inscription sur présentation de l'attestation de l’inscription auprès de l'autorité compétente de l'État membre d'origine (Art. 3, al. 2).
Le paragraphe 1 de l’article 4 de la directive précise en outre que « l’avocat exerçant dans l’Etat membre d’accueil sous son titre professionnel d’origine est tenu de le faire sous ce titre, qui doit être indiqué dans la ou l’une des langues officielles de l’Etat membre d’origine, mais de manière intelligible et susceptible d’éviter toute confusion avec le titre professionnel de l’Etat membre d’accueil ».
- Domaine d’activité.
En matière de consultations juridiques, le domaine d’activité de l’avocat venant d’un autre Etat membre est aussi large que celui du Rechtsanwalt d’origine : l’article 5, al. 1er de la directive dispose que « L’avocat peut notamment donner des consultations juridiques dans le droit de son Etat membre d’origine, en droit communautaire, en droit international et dans le droit de l’Etat membre d’accueil. ».
En matière de représentation et de défense des clients en justice, l’Etat d’accueil « peut imposer aux avocats exerçant sous leur titre professionnel d'origine d'agir de concert soit avec un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie et qui serait responsable, s'il y a lieu, à l'égard de cette juridiction, soit avec un «avoué» exerçant auprès d'elle. » (Art. 5, al. 3).
Les règles professionnelles et déontologiques applicables à cet avocat sont les mêmes que celles auxquelles sont soumis les avocats exerçant sous le titre professionnel approprié de l’Etat membre d’accueil (Art. 6, al. 1er).
B. L’exercice de la profession d’avocat par assimilation à l’avocat de l’Etat membre d’accueil :
En principe, « l’avocat exerçant sous son titre professionnel d’origine, qui justifie d’une activité effective et régulière d’une durée d’au moins trois ans dans l’Etat membre d’accueil, et dans le droit de cet Etat, y compris le droit communautaire », est assimilé à un avocat de ce même Etat membre (Art. 10, al. 1er), le dispensant de tout examen, en particulier de celui que prévoyait l’art. 4, al. 1er, b) de la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988. Il est entendu par «activité effective et régulière» : « l'exercice réel de l'activité sans interruption autre que celles résultant des événements de la vie courante ». En outre, « La décision de l'autorité compétente de l'État membre d'accueil de ne pas accorder la dispense si la preuve n'est pas rapportée que les exigences fixées au premier alinéa sont remplies, doit être motivée et être susceptible d'un recours juridictionnel de droit interne. ».
Si la durée d’activité effective et régulière est inférieure à trois ans, l’avocat peut également, sous certaines conditions, accéder à cette profession (voir art. 10, al 2).
De plus, la directive précise que ce même avocat a le droit de faire usage, à côté du titre professionnel correspondant à la profession d’avocat dans l’Etat membre d’accueil, du titre professionnel d’origine indiqué dans la ou l’une des langues officielles de l’Etat membre d’origine (art. 10, al. 6).
III. Examen d’aptitude.
Il existe une seconde voie pour les ressortissants des Etats européens qui viennent de terminer leurs études, et qui viennent d’être autorisés à exercer la profession d’avocat dans leur Etat d’origine, de devenir avocat allemand : réussir l’examen d’aptitude.
L’article 16 EuRAG dispose qu’un ressortissant d’un Etat membre de l’Union Européenne, de la Suisse ou d’un autre Etat de l’espace économique européen, qui en raison de la clôture de sa formation juridique, aurait été autorisé par son Etat d’origine à exercer la profession d’avocat, peut se porter candidat à un examen d’aptitude (Eignungsprüfung) spécifique, afin de devenir Rechtsanwalt. Il faut toutefois pour cela avoir effectué sa formation dans des Etats sus-metionnés ; à défaut des conditions supplémentaires doivent être remplies.
Cet examen est organisé par l’autorité compétente pour l’organisation du 2e examen d’Etat (Art. 18, al. 1er).
L’article 20, al. 1er EuRAG dispose que deux matières sont obligatoires à cet examen : droit civil et droit de la déontologie de l’avocat allemand, ce à quoi s’ajoutent deux matières à option. Pour la première matière à option, le candidat doit choisir entre droit public et droit pénal. Pour la seconde, il a le choix entre droit du travail et droit commercial (et également les domaines du droit civil, public et pénal non couverts par les précédentes épreuves, à condition que le candidat ne choisisse pas la même matière dans les deux épreuves à option).
L’examen, en langue allemande, consiste en deux parties (art. 21, al. 1er EuRAG), l’une écrite (admissibilité) et l’autre orale (admission). La partie orale comprend deux épreuves : celle de droit civil obligatoire, et une matière à option. Le candidat n’est autorisé à passer les épreuves orales d’admission seulement s’il a réussi l’une des deux épreuves écrites. Les épreuves orales sont au nombre de deux : l’équivalent d’un « grand oral » où le candidat se présente de manière générale, et une épreuve portant sur le droit de la déontologie de l’avocat allemand, la matière à option non choisie à l’admission et, le cas échéant, la matière non réussie à l’admissibilité.
par Bastien Lignereux, participant au programme Master droit économique, IEP Paris (vom 6.1.2009)