Droit des sociétés en Allemagne: La SA allemande (Aktiengesellschaft):
14.10.2005
(par M. Frederik Wiethölter, Maître en Droit , Mastère en Droit Juriste Européen(französischer Jurist) du 14.10.2005 La gérance de la société anonyme en Allemagne (par Monsieur Frederik Wiethölter, Maître en Droit, Mastère en Droit "Juriste Européen" (französischer Jurist)
En Allemagne, les sociétés anonymes sont connues sous le nom d'Aktiengesellschaft (AG). La forme d'AG est idéale pour les grandes entreprises, elle permet de combler un besoin en capital important, tout en limitant les risques pour les actionnaires.
Mais comme l'AG appartient à une pluralité d'actionnaires, dont le nombre est variable, et qui sont libre d'acquérir ou de vendre leurs actions à tout moment, et à toute personne, il convient de s'interroger sur le point de savoir comment une AG est gérée, car si les actionnaires supportent le risque financier de l'entreprise, ils ne participent pas à la gestion de l'entreprise.
L'intérêt de cette interrogation réside dans la spécificité du droit allemand dans ce domaine. En effet, une AG est gérée par ses organes, or si l'AG revêt une structure organique classique, telle qu'on la connaît par exemple dans les SA françaises (I), son originalité vient du principe de cogestion, impliquant les salariés dans les prises de décisions (II). Ce principe n'a pas été remis en cause par la création de la société par action européenne (III).
I Une gestion de l'AG par les organes classiques
L'AG agit par l'intermédiaire de ses organes. La gérance et la représentation de l'AG appartiennent au directoire (der Vorstand). Le directoire est contrôlé, mais également désigné par le conseil de surveillance (der Aufsichtsrat). Les actionnaires exercent leurs droits par l'intermédiaire de l'assemblée générale (die Hauptversammlung).
Le directoire, entant qu'organe de direction de l'AG, mène les affaires, et cela, sous sa propre responsabilité.
Mais si la loi prévoit le directoire comme étant l'organe de direction, en réalité souvent, le pouvoir est concentré entre les mains du conseil de surveillance.
Le conseil de surveillance est désigné par les actionnaires, les salariés et les syndicats de l'entreprise, lors de l'assemblée genérale, et pour une durée maximale de 4 ans.
C'est le conseil de surveillance qui nomme et limoge le directoire. De plus, le conseil de surveillance surveille la gérance de l'AG par le directoire. Il doit s'assurer que les intérêts des actionnaires face au directoire sont sauvegardés.
Dans la pratique, le conseil de surveillance endosse un rôle bien plus important que la simple surveillance du directoire. Il procède souvent à des concertations avec le directoire, ce qui a pour conséquence d'intégrer de facto le conseil de surveillance dans le processus décisionnel.
Le conseil de surveillance peut nommer des commissions, chargés des domaines les plus importants
(par exemple pour le personnel, crédit et bilan).
Le directoire ainsi que le conseil de surveillance doivent toujours avoir pour ligne de conduite l'intérêt de l'entreprise.
L'assemblée générale regroupe l'ensemble des actionnaires. Elle décide essentiellement de la nomination des représentants des actionnaires au sein du conseil de sécurité, de l'utilisation des bénéfices, ainsi que des mesures relatives au capital de l'entreprise.
II Un principe de cogestion original de l'AG
Si l'originalité du système allemand des AG ne vient pas de sa structure organique, l'originalité vient par contre du pouvoir reconnu aux salariés. En effet, il existe en Allemagne un principe de cogestion (das Mitbestimmungsprinzip), entendu au sens large, qui prévoit des droits de participation (die Beteiligungsrechte) pour les salariés et syndicats dans la gestion de l'entreprise. Il est à remarquer qu'en Allemagne, il existe principalement un grand syndicat, et que le taux de salariés syndiqués est plus élevé qu'en France, ce qui influe en faveur du syndicat dans son pouvoir de négociation. Les intérêts des salariés sont ainsi protégés par l'intermédiaires du syndicat, du comité d'entreprise, et, dans une certaine mesure par le conseil de surveillance. L'objectif de cette politique de cogestion de l'entreprise par les partenaires sociaux, est d'élever les salariés au même niveau que les actionnaires.
Il convient de préciser ces droits de participation reconnus aux salariés, qui ont différents degrés d'intensité. Il faut distinguer d'une part, la cogestion entendu au sens strict (die Mitwirkung), de la codécision (Mitbestimmung) d'autre part.
Les droits de cogestion entendu au sens strict laissent la compétence décisionnelle du directoire intacte. Ce sont des droits à l'information, audition, droit de proposition et de conseil.
Les droits de codécisions permettent au comité d'entreprise de participer activement à la prise de décision, par le fait que le directoire doit obtenir l'accord du comité d'entreprise.
Dans l'hypothèse où le directoire n'obtient pas un tel accord de la part du comité d'entreprise, il peut être remplacé dans certains cas par une décision de tribunal, sur demande du directoire.
Dans d'autres cas par contre, l'accord manquant du comité d'entreprise ne peut pas être remplacé par une décision de tribunal. Cela résulte d'un droit de véto dont le comité d'entreprise dispose dans certains domaines (der Zustimmungsverweigerungsrecht). il est alors nécessaire de recourir à un comité de conciliation qui devra statuer (der Spruch der Einigungsstelle).
Le comité de conciliation est composé paritairement de membres désignés par les salariés et par le directoire, ainsi qu'un membre indépendant désigné conjointement par salariés et directoire. Le comité de conciliation est le dernier organe du travail en commun des partenaires sociaux.
Au sein de l'entreprise entant qu'établissement (der Betrieb), la codécidion est assurée par le comité d'entreprise. Celui-ci dispose de prérogatives dans le domaine social, économique, et du personnel, qui l'incluent dans le procéssus décisionnel de l'entreprise. Le comité d'entreprise dispose même sous certaines conditions, d'un droit d'initiative (das Initiativrecht) par lequel il peut exiger une décision de la part de l'employeur.
Au sein de l'entreprise entendue dans son ensemble (das Unternehmen), la codécision est assurée par la présence de salariés membres du conseil de surveillance. Lors de la codécision paritaire, le conseil de surveillance est composé du même nombre de salariés que d'actionnaires.
Comme dit précédemment, c'est le conseil de surveillance qui nomme et limoge les membres du directoire. Le conseil de surveillance peut également, en collaboration avec l'assemblée générale, établir un réglement intérieur qui fixe quelles mesures ne peuvent être prise par le directoire, qu'avec l'accord du conseil de surveillance.
III La cogestion sauvegardée dans la société anonyme européenne
La réglementation sur la nouvelle société anonyme européenne (societas europaea, SE) est en vigeur en Allemagne depuis le 29 décembre 2004. Cette nouvelle forme sociétaire pouvait générer des interrogations quant à la pérénité du système de cogestion. La raison en est que, eu égard aux différentes traditions juridiques dans les États membres, les statuts d'une SE peuvent prévoir en plus de l'assemblée générale des actionnaires, soit un directoire et un conseil de surveillance (système dualiste tel qu'en Allemagne), soit juste un conseil d'administration (système moniste tel qu'en Grande-Bretagne). Or, si une SE implantée en Allemagne est organisée sous forme moniste, on pouvait s'interroger sur le point de savoir comment la cogestion pourrait s'exprimmer.
La transposition opérée par une loi du 22 décembre 2004 (Gesetz zur Einführung der Europäischen Gesellschaft, SEEG) ainsi qu'une loi sur la participation des salariés (Betiligungsgesetz, SEBG) répond à cette interogation.
Il faut savoir que le réglement européen sur la SE ne règle que certains domaines de la création et l'organisation de la SE. La structure des SE peuvent donc varier selon les États membres.
Mais comme le réglement européen offre le choix entre une organisation selon le modèle moniste, ou selon le modèle dualiste, le législateur allemand ne peut pas interdire à une société cogérée, de prendre la forme d'une SE et d'opter pour une structure moniste. Dans ce cas, la cogestion ne peut plus s'exprimer au travers du conseil de surveillance, mais doit être ancrée au sein du nouveau conseil d'administration monolythe.
La loi allemande protège les droits acquis des salariés par le principe du avant/après (Vorher-Nacherprinzip). D'après ce principe, les droits de participation octroyés aux salariés avant la création de la SE, doivent subsister dans la SE, à moins que les représentants des salariés ne s'accordent avec la direction de l'entreprise au terme d'une négociation, à y renoncer.
Au cas où les négociations aboutissent à un résultat en dessous du status quo s'agissant des droits de participation, des mécanismes de protection sous formes de procédures d'adoption particulières sont prévus.
Dans l'hypothèse ou aucun accord n'est trouvé au terme de la négociation, dans le cadre d'une fusion transfrontalière d'entreprise, ce sont les droits de participation les plus étendus qui ont alors vocation à s'appliquer à toute l'entreprise.
Comme on peut le constater, la législation allemande est très soucieuse des droits de participation, y compris dans le cadre de la SE. Cela peut présenter un handycap pour les entreprises allemandes, dans la mesure où cela rend les entreprises allemandes particulièrement peu attractives au regard des potentielles entreprises étrangères partenaires pour une création de SE.
Sources:
loi du 22 décembre 2004 (Gesetz zur Einführung der Europäischen Gesellschaft, SEEG), transposant le règlementn°2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001sur le statut de la société anonyme européenne
BetrVG § 76 Einigungsstelle
Gesellschaftsrecht, Grundrisse des Rechts, Verlag C.H. Beck, Ulrich Eisenhardt
10 Fragen und Antworten zur Europa-AG, Dr. Friedemann Götting, EIC im DIHK, www.dihk.de/eic/recht/europa_ag.doc
Mitwirkung und Mitbestimmung, http://www.arbeitsrecht-info.de/index.htm?betriebsrat/mitwirkung_und_mitbestimmung.htm
EBENEN DER MITBESTIMMUNGSRECHTE, www.wirtschaftrecht.de/wiwimi/zehn/Mitbestimmung.doc
Zusammenfassende Bewertung des Regierungsentwurfes der Bundesregierung zur Novellierung des Betriebsverfassungsgesetzes - weiteres Vorgehen
http://www.labournet.de/GewLinke/ag-mitb3.html
Europa-AG mit Mitbestimmung, http://www.nordschwarzwald.ihk24.de/PFIHK24/PFIHK24/produktmarken/index.jsp?url=http%3A//www.nordschwarzwald.ihk24.de/PFIHK24/PFIHK24/produktmarken/recht/recht/gesell-recht/Europa_IB.jsp
Europäische Aktiengesellschaft bietet deutschen Unternehmen neue Möglichkeiten, http://www.bmj.bund.de/enid/Gesellschaftsrecht/Gesetz_zur_Einfuehrung_der_Europaeischen_Gesellschaft_aj.html
(vom 14.10.2005)