Exécution forcée en Allemagne (Droit allemand de l'exécution forcée) par Mlle Rechtsreferendarin Saskia Kleine-Tebbe, LL.M., (Maîtrise en droit franco-allemand, Paris-Cologne)
21.12.2004
Un résumé du droit de l'exécution forcée en Allemagne à conseiller
Le droit de l’exécution forcée en Allemagne
A. Les principes généraux
1. Les sources du droit de l’exécution forcée
Le huitième livre du code allemand de la procédure civile (Zivilprozessordnung, ZPO), à savoir les articles 704 à 945, traite de l’exécution forcée à l’exception de l’exécution des obligations pécuniaires portant sur des biens immobiliers qui est régie par la loi sur l’exécution forcée (Zwangsversteigerungsgesetz, ZVG).
2. Les obligations qui peuvent être exécutées
La procédure de l’exécution forcée peut par exemple porter sur
des créances en argent
d’autres obligations comme la restitution des biens (surtout l’expulsion à l’expiration d’un bail) ou l’obligation de faire ou de ne pas faire.
3. Les biens saisissables
Peuvent être soumis à l’exécution forcée
les biens mobiliers du débiteur
les biens immobiliers du débiteur
les créances du débiteur, par exemple les salaires, les comptes bancaires, les créances vis-à-vis des assurances etc.
4. Les organes de l’exécution forcée
Le créancier doit s’adresser à un des organes suivants en fonction de la nature de sa créance quand il souhaite procéder à l’exécution forcée :
L’huissier (« Gerichtsvollzieher ») est compétent pour l’exécution des obligations pécuniaires portant sur des meubles et pour l’exécution des obligations consistant en la restitution des biens.
Le tribunal de l’exécution (« Vollstreckungsgericht ») voire l’office judiciaire du livre foncier (« Grundbuchamt ») auprès du tribunal de première instance (« Amtsgericht ») de la circonscription judiciaire dans laquelle le débiteur a son domicile ou le bien immobilier est situé est chargé de l’exécution forcée des obligations pécuniaires portant sur des créances et des biens immobiliers.
Le tribunal qui a jugé l’affaire est l’organe de l’exécution forcée pour l’exécution des obligations de faire ou de ne pas faire.
5. Les conditions générales de l’exécution forcée
Trois conditions cumulatives doivent être remplies afin qu’une procédure visant l’exécution forcée puisse être mise en œuvre :
a)Le créancier doit se procurer d’un titre exécutoire, c’est-à-dire un acte authentifiant l’obligation contractée à son profit. Les plus importants titres exécutoires sont les suivants :
le jugement ayant acquis force de chose jugée ou déclaré provisoirement exécutoire
la transaction judiciaire
la sentence arbitrale déclarée exécutoire par le tribunal
l’acte authentique par lequel le débiteur s’est soumis à l’exécution forcée immédiate. Celui-ci est dans la plupart des cas dressé par un notaire.
b)Ce titre doit être accompagné de la clause exécutoire, c’est-à-dire d’un certificat affirmant le caractère exécutoire du titre. Celle-ci est attribuée par le tribunal ou délivrée par le notaire dans le cas où le titre exécutoire es dressé par ce dernier.
c)La signification du titre - le titre exécutoire doit être signifié au débiteur.
Une fois ces conditions remplies, l’organe de l’exécution forcée compétent doit respecter d’autres règles en fonction de la mesure d’exécution choisie pour que celle-ci soit régulière (cf. infra).
B. Les voies d’exécution
1. L’exécution forcée des obligations pécuniaires visant des meubles
Elle s’effectue dans deux étapes – premièrement la saisie, deuxièmement la réalisation des biens.
a) La saisie
La saisie des biens mobiliers est mis en œuvre par l’huissier soit en prenant possession des objets en cause soit en identifiant les biens saisis par un signe distinctif, souvent un scellé (dont le bris constitue une infraction pénale).
Pour être régulière, la saisie doit s’effectuer
à l’heure légale (entre 6 heures et 20 heures sauf permission de justice dérogatoire)
au lieu légal ; ne peuvent être objets de la saisie que les biens qui se trouvent en possession précaire du débiteur, du créancier ou d’une tierce personne disposée à remettre la chose
de manière légale ; l’huissier doit notamment veiller à ce que la saisie soit évidente
dans l’étendue légale ; est interdite par la loi la saisie excessive et la saisie inutile ainsi que la saisie des biens insaisissables énumérés dans les articles 811 et 812 de la ZPO (par exemple les effets personnels, les meubles ou les biens indispensables à l’activité personnelle).
Cependant, pour empêcher que l’insaisissabilité de ces biens ne viole les intérêts du créancier, la ZPO prévoit la possibilité de demander au tribunal une décision d’échange qui permet la saisie d’un bien insaisissable et son remplacement par un bien équivalent mais moins coûteux pour le débiteur.
b) La réalisation des biens
La réalisation des biens mobiliers s’effectue de manière générale par la vente aux enchères dont la date (au plus tôt une semaine après la saisie) doit être fixée par l’huissier au cours de la saisie.
Sur demande du créancier, les objets saisis peuvent également être réalisés par d’autres mesures comme par exemple la vente directe par l’huissier ou le transfert de propriété au créancier.
2. L’exécution forcée des obligations pécuniaires visant des immeubles
Celle-ci peut se réaliser de trois façons différentes quand les conditions générales – titre exécutoire, clause exécutoire, signification ainsi qu’une créance d’un montant d’au moins € 750,-- - sont remplies.
a) L’hypothèque judiciaire
Le créancier peut obtenir l’inscription d’une hypothèque dans le livre foncier afin de mettre en sûreté un rang relatif au bien immobilier.
La demande doit être adressée à l’office judiciaire du livre foncier auprès du tribunal de première instance de la circonscription judiciaire dans laquelle le bien immobilier est situé.
b) La saisie suivie de la vente forcée aux enchères
Par cette procédure qui est régie par le ZVG, le créancier met en sûreté la valeur intrinsèque du bien immobilier par la saisie.
La demande doit être adressée au tribunal de l’exécution auprès du tribunal de première instance de la circonscription judiciaire dans laquelle le bien immobilier est situé.
c) L’administration forcée
L’administration forcée est réglée par le titre 3 (articles 146 à 161) du ZVG. Elle évite la vente de l’immeuble puisque le tribunal de l’exécution nomme un administrateur-séquestre qui gère l’immeuble et en perçoit les revenus (par exemple les loyers ou les produits de la récolte d’un bien immobilier agricole) pour le compte du créancier.
3. L’exécution forcée des obligations pécuniaires visant des créances
En théorie, elle s’effectue également en deux étapes, d’abord il faut obtenir une ordonnance de saisie prononcée par le tribunal de l’exécution de la circonscription judiciaire dans laquelle le débiteur a son domicile, ensuite il faut obtenir une ordonnance de remise, mais en pratique le créancier demande et obtient en un seul acte l’ordonnance de saisie et de remise (« Pfändungs- und Überweisungsbeschluss »).
4. L’exécution forcée des obligations de restitution, des obligations de faire et des obligations de ne pas faire (articles 883 à 898 de la ZPO)
a) L’obligation de restitution
Si l’obligation concerne des biens meubles, l’huissier prend possession de l’objet en cause et le remet au créancier.
Si l’obligation concerne un bien immeuble (dans la plupart des cas il s’agit de l’évacuation d’un immeuble à l’expiration d’un bail), l’huissier doit expulser le débiteur pour permettre au créancier de récupérer la jouissance de son bien immobilier ou pour transférer la propriété au créancier.
b) L’obligation de faire
Dans le cas où l’obligation de faire peut être exécutée par un tiers, l’exécution forcée est effectuée par le tribunal en autorisant le créancier à faire exécuter lui-même l’acte par un tiers aux frais du débiteur.
Si l’obligation en cause ne peut être exécutée que par le débiteur même, le tribunal doit recourir à des mesures de contrainte (soit en fixant une astreinte d’un montant maximum de 25.000,- €, soit en ordonnant l’arrestation du débiteur pour une période maximum de deux ans).
c) L’obligation de ne pas faire
L’exécution forcée d’une obligation de ne pas faire se déroule comme celle de l’obligation de faire qui ne peut pas être accomplie par un tiers : Le tribunal inflige au débiteur une astreinte et prononce – dans le cas où l’astreinte n’est pas payée – l’arrestation du débiteur, article 888 de la ZPO.
C. La protection juridique contre l’exécution forcée
Le débiteur saisi ou des tiers ont le droit de s’opposer à l’exécution forcée lorsque des vices de forme ou des vices de fond peuvent être invoqués contre la mise en œuvre de l’exécution forcée.
1. Vices de forme (« Vollstreckungserinnerung »)
L’alinéa premier de l’article 766 de la ZPO donne au débiteur saisi la possibilité de s’opposer à des mesures singulières d’exécution forcée effectuées par l’huissier ou le tribunal en soulevant un incident qui porte sur un vice de forme. Le tribunal d’exécution déclare irrégulière la mesure d’exécution et annule celle-ci.
2. Vices de fond
Les vices de fond peuvent être invoqués par deux actions différentes en fonction de la personne qui engage l’action.
a) Le débiteur
Le débiteur saisi peut adresser au tribunal d’exécution une demande en mainlevée de l’exécution (« Vollstreckungsabwehrklage ») par laquelle il s’oppose à l’exécution forcée en invoquant des exceptions de fond selon l’article 767 de la ZPO.
Cette action est fondée lorsque l’obligation qui devait être exécutée n’existe plus (par exemple suite au paiement effectué) ou ne peut plus être poursuivie (par exemple parce qu’elle est prescrite).
b) Des tierces personnes
Un tiers peut s’opposer à l’exécution forcée afin que le tribunal déclare irrégulière l’exécution forcée visant certains biens qui n’appartiennent pas au débiteur par la tierce opposition (« Drittwiderspruchsklage ») de l’article 771 de la ZPO.
L’action est fondée si le demandeur peut invoquer que c’est lui qui est le propriétaire de l’objet ou le titulaire de la créance en cause.
Auteur:
Mlle Rechtsreferendarin
Saskia Kleine-Tebbe, LL.M. (vom 21.12.2004)