La gouvernance d'entreprise et la réforme du Droit des sociétés en France (par M. David Dujardin, LL.M., D.E.S.S. Juriste d'affaires internationales)
01.11.2004
Suite à l'apparition d'un nouveau modèle de personne morale en Europe, (la société européenne), le droit des sociétés en France a subit des réformes considérables.
Introduction
Sujet particuliérement sensible, la gouvernance d'entreprise (corporate governance) a fait couler beaucoup d'encre ces derniéres années et se trouve, à l'heure actuelle, au centre des préoccupations des régulateurs, de la presse économique et des investisseurs.
En effet, ainsi que le souligne une étude publiée par Ernst & Young en novembre 2003 et intitulée "Panorama 2003 du gouvernement d'entreprise des Midcaps francaises", "l'ensemble de la communauté financiaire est convaincu qu'il est urgent de prendre en considération - quand le législateur n'en a pas déjà fait une obligation - les rapports successifs sur la question : le Rapport Bouton, le Sarbanes Oxley Act, la Loi de Sécurité Financiaire...". Reste à savoir ce que recouvre exactement cette notion de gouvernance (ou gouvernement) d'entreprise.
Apparue dans les années 1980 à la suite d'une série de scandales en Angleterre (affaires BCCI et Poly Peck) et aux Etats-Unis (avec la faillite des "Savings & Loans", institutions financiaires américaines spécialisées dans la collecte de l'épargne et les prêts au logement), la corporate governance est généralement comprise comme le système par lequel les entreprises sont dirigées et contrôlées.
Selon l'OCDE, ce terme fait plus précisément référence aux relations entre la direction d'une entreprise, son Conseil d'administration, ses actionnaires et d'autres parties prenantes. Elle détermine également la structure par laquelle sont définis les objectifs d'une entreprise, ainsi que les moyens de les atteindre et d'assurer une surveillance des résultats obtenus. On peut donc en déduire que la question de la gouvernance d'entreprise intéresse avant tout, en raison de leurs modes d'organisation et de fonctionnement, les sociétés anonymes (SA) et plus spécialement, ainsi que nous le verrons dans les développements qui vont suivre, celles faisant appel public à l'épargne.
Au plan francais, la réflexion autour de la gouvernance d'entreprise s'est répandue au début des années 1990, notamment avec l'affaire du Crédit Lyonnais qui a démontré que les contrôles du Droit francais étaient aussi inefficaces que lourds et pénalisants. On a toutefois souligné à l'époque que les chefs d'entreprise francais "y ont vu une mode contestataire par laquelle leur autorité† était mise en cause par des trublions anglo-saxons, relayés par des journalistes ignares et des organisateurs de colloques en peine de sujets". Mais loin d''tre un phénomaine de mode, cette réflexion a été à l'origine de la rédaction de nombreux rapports et ce, il est important de le souligner, principalement à l'initiative du C.N.P.F. (aujourd'hui M.E.D.E.F.) et de l'A.F.E.P. .Il faut bien voir en effet qu'en raison de l'importance fondamentale des investisseurs étrangers, et principalement des fonds de pension américains présents à hauteur de 40% du capital des sociétés du CAC 40, les entreprises francaises ont été sinon contraintes, du moins fortement poussées, à satisfaire le plus rapidement possible leurs exigences en la matiaire.
De nombreuses propositions, que nous analyserons plus en détail par la suite, furent alors avancées et servirent de base à un premier courant de réformes destinées à aboutir à une gouvernance d'entreprise de qualité, c'est-à-dire devant inciter le Conseil d'administration et la direction à poursuivre des objectifs conformes aux intér'ts de la société et de ses actionnaires et faciliter une surveillance effective des résultats obtenus.
Cependant, avec la survenance des affaires Enron et WorldCom et la multiplication de pratiques "minant le contrat social" (politique trop laxiste de rémunération, attributions peu opportunes de stock options, mépris des revendications des actionnaires, comportements autocratiques du management), force a été de constater que les prograis (bien réels) réalisés en la matiaire étaient encore insuffisants. La gouvernance d'entreprise s'est de ce fait retrouvée pour la seconde fois au cúur de nombreuses réformes et ce non seulement en France mais également dans le reste du monde.
La question qu'on est alors amené à se poser est donc celle de savoir, d'une part, quelles mesures ont été proposées puis concraitement mises en place dans notre pays afin d'aboutir à une meilleure gouvernance d'entreprise et, d'autre part, si ces mesures se sont effectivement révélées efficaces.
Afin de répondre à cette double interrogation et d'ainsi mener à bien notre étude relative à la gouvernance d'entreprise et à la réforme du Droit des sociétés en France, nous avons cru bon d'adopter une approche chronologique basée sur les deux mouvements de réforme précédemment évoqués. Nous nous attacherons donc à étudier, dans une premiaire partie, le long processus d'introduction de la corporate governance en France (I). Puis nous consacrerons une seconde partie à l'examen des réponses francaises à la crise de confiance ouverte par les scandales Enron et WorldCom (II). Enfin, nous dresserons un bilan de la gouvernance d'entreprise en France (III).
I. Le long processus d'introduction de la corporate governance en France
L'introduction de la gouvernance d'entreprise en France s'est faite en trois étapes.
La 1aire, constituée par la publication du Rapport Viénot I en juillet 1995, peut s'analyser comme l' "acte de naissance" de la gouvernance d'entreprise en France. Puis est intervenue en juillet 1999 la publication du Rapport Viénot II, censé dressé un bilan de la mise en úuvre des recommandations formulées dans le précédent rapport. Enfin, la loi NRE du 15 mai 2001 est venue introduire des éléments de la gouvernance d'entreprise dans l'appareil législatif francais.
1. Le Rapport Viénot I : "acte de naissance" de la gouvernance des entreprises en France
Résultat des travaux d'un Comité mis en place à l'initiative du Conseil National du Patronat Francais (C.N.P.F., devenu par la suite le M.E.D.E.F.) et l'Association Francaise des Entreprises Privées (A.F.E.P.) et présidé par M. Marc Viénot (à l'époque Président directeur général de la Société Générale), ce rapport, intitulé "Le Conseil d'administration des sociétés cotées", a été publié en juillet 1995.
Ainsi que nous l'évoquions en introduction, les privatisations et l'ouverture du marché de Paris aux investisseurs étrangers avaient favorisé le développement d'un nouvel actionnariat. Ce dernier, souvent peu familier des Conseils d'administration des sociétés cotées francaises, était demandeur d'informations. Le Comité s'était donc vu confier la mission de passer en revue "les principaux problaimes relatifs à la composition, aux attributions et aux modes de fonctionnement" de ces Conseils d'administration et de proposer des solutions.
Constituant, selon la Mission d'information sur la réforme du Droit des sociétés, "l'acte de naissance" de la gouvernance des entreprises en France, ce rapport en reprend les principaux thaimes.
a) La réaffirmation claire des missions du Conseil d'administration
Selon le Comité auteur du "Rapport Viénot I", le Conseil d'administration remplit une quadruple mission, à savoir :
aa) La définition de la stratégie de l'entreprise
Le Comité ne fait ici que rappeler que le Conseil d'administration est investi, conformément à l'article 98-1 de la loi du 24 juillet 1966, des "pouvoirs les plus larges" pour la direction de la société et se trouve ainsi chargé de l'élaboration de la stratégie de l'entreprise.
bb) La désignation des mandataires sociaux chargés de gérer l'entreprise dans le cadre de cette stratégie
Bien que le pouvoir de nommer ou de révoquer les administrateurs appartienne à l'assemblée générale des actionnaires, le Conseil d'administration joue un rôle important en ce qu'il peut coopter ses membres et proposer leur désignation à l'assemblée.
Mais ainsi que le précisait le Comité, "la recherche d'administrateurs et de mandataires sociaux se fait le plus souvent de maniaire trais informelle, ce qui ne garantit pas que tous les éléments qui concourent à l'équilibre souhaitable de la composition du Conseil ont fait l'objet d'une délibération et ont été pris en compte". En outre, à défaut d'une procédure formalisée, l'idée que les présidents jouent un rôle excessif dans le choix des personnes appelées à siéger au Conseil était trais répandue sur le marché.
Afin de lutter contre ces problaimes, le Comité recommandait à chaque Conseil d'administration de constituer en son sein un comité de nomination des administrateurs et mandataires sociaux (ou, à défaut, de confier cette t‚che au comité des rémunérations). Composé de trois à cinq membres, y compris le président ainsi qu'au moins un administrateur indépendant, ce comité aurait, selon le rapport, "la charge de faire des propositions au Conseil aprais avoir examiné de maniaire circonstanciée tous les éléments qu'il doit prendre en compte dans sa délibération : équilibre souhaitable de la composition du Conseil au vu de la composition et de l'évolution de l'actionnariat de la société, notamment nombre souhaitable des administrateurs indépendants, représentation éventuelle d'intér'ts catégoriels, recherche et appréciation des candidats possibles, opportunité des renouvellements de mandats...".
cc) Le contrôle de gestion
Pouvant 'tre interne (c'est-à-dire effectué dans le cadre de l'organisation sociale) ou externe (autrement dit réalisé par un ou plusieurs commissaires aux comptes), le contrôle de gestion est nécessaire pour assurer la pérennité d'une entreprise.
Le Conseil d'administration, chargé comme son nom l'indique de l'administration de la société, doit en tant que tel 'tre considéré comme un organisme de contrôle de gestion interne. La chambre civile de la Cour de Cassation avait à ce propos indiqué, dans un arr't en date du 10 mars 1948, que "le Conseil d'administration est chargé de la surveillance du Président directeur général et doit se préoccuper des conditions dans lesquelles il exécute sa mission".
Précisons cependant que le Conseil d'administration étant, ainsi que nous l'indiquions auparavant, lui aussi chargé de la gestion, il pourra 'tre tenu responsable des fautes de gestion.
dd) La surveillance de la qualité de l'information fournie aux actionnaires ainsi qu'aux marchés à travers les comptes ou à l'occasion d'opérations trais importantes
Ne faisant que rappeler l'obligation d'information dont le Conseil d'administration est redevable envers les actionnaires, et notamment l'obligation de mettre à leur disposition "les documents nécessaires pour leur permettre de se prononcer en connaissance de cause et de porter un jugement informé sur la gestion et la marche des affaires de la société" (art. 162 de la loi de 1966), le Comité s'est ici concentré sur la responsabilité du Conseil d'administration à l'égard du marché.
Plus précisément, le Comité a réaffirmé la nécessité pour le marché de se voir communiquer, à l'occasion des arr'tés des comptes semestriels et annuels ou de la réalisation d'opérations financiaires, des informations de qualité, c'est-à-dire claires et fiables, et ce afin que les transactions puissent 'tre effectuées de maniaire équitable.
Dans cet objectif de transparence, le Comité estime que "le Conseil d'administration doit rendre public son avis sur les conditions des opérations concernant les titres de la société m'me quand la réglementation ne l'exige pas" (par exemple, sur l'opportunité pour la société d'une offre publique de retrait portant sur ses actions).
b) La création de comités spécialisés et l'émergence d'administrateurs indépendants
Outre un comité de nomination précédemment évoqué, le rapport préconise la création d'un comité des comptes. Ainsi que nous l'indiquions, figurent parmi les missions essentielles du Conseil le contrôle de la gestion et la vérification de la fiabilité et de la clarté des informations qui seront fournies aux actionnaires et au marché, lesquelles sont principalement exercées à l'occasion de l'arr'té des comptes.
Selon le rapport, "la préparation de la délibération du Conseil par un comité spécialisé, dont les attributions et la composition sont portées à la connaissance du public, serait de nature à lui garantir la diligence et l'objectivité qu'impliquent ces missions".
Le Comité préconisait donc que chaque Conseil se dote d'un comité des comptes devant s'assurer de la pertinence et de la permanence des méthodes comptables adoptées pour l'établissement des comptes consolidés et sociaux de l'entreprise et de vérifier que les procédures internes de collecte et de contrôle des informations garantissent celles-ci. Composé d'au moins trois administrateurs (aucun ne devant exercer des fonctions de direction générale ou salariale dans l'entreprise), dont l'un au moins doit 'tre un administrateur indépendant, ce comité des comptes devrait également 'tre appelé à donner son avis sur la nomination des commissaires aux comptes et sur la qualité de leurs travaux.
Concernant les comités des rémunérations, présents dans la plupart des Conseils d'administration et chargés de proposer la rémunération des mandataires sociaux ainsi que les plans de souscriptions ou d'achat d'actions, le Comité préconisait de porter une attention particuliaire à leur composition, souvent critiquée car comportant un nombre élevé d'administrateurs réciproques. Il recommandait à cet effet "d'éviter de nommer dans le comité des rémunérations d'une société A, un administrateur venant d'une société dans le comité analogue de laquelle siégerait réciproquement un administrateur venant de la société A".
Enfin, le rapport recommandait la présence, au sein des Conseils d'administration, d'administrateurs indépendants (une pratique née aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne en réaction à la surreprésentation, au sein des Conseils de ces pays, de dirigeants exercant des fonctions exécutives dans l'entreprise) et ce afin d'améliorer la qualité des délibérations et surtout de garantir le respect des intér'ts des actionnaires.
Précisons qu'à l'époque, la loi francaise limitait déjà de facon trais stricte la participation au Conseil d'administration de la "technostructure" de l'entreprise, le nombre de directeurs généraux ou de salariés pouvant 'tre administrateurs étant plafonné.
Mais le Comité va ici plus loin en ce sens que sous le terme d'administrateur indépendant, il faut entendre "une personne qui n'a aucun lien d'intér't direct ou indirect avec la société ou les sociétés de son groupe et qui peut ainsi 'tre réputée participer en toute objectivité aux travaux du Conseil".
S'inspirant des standards anglo-saxons, le Comité précise que l'administrateur indépendant ne doit donc pas 'tre :
- "un salarié, le président ou le directeur général de la société ou d'une société de son groupe. Au cas où il aurait été salarié, président ou directeur général de la société ou d'une société de son groupe, il doit avoir cessé de l''tre depuis au moins trois ans;
- un actionnaire important de la société ou d'une société de son groupe ni 'tre lié de quelque maniaire que ce soit à un tel actionnaire;
- lié de quelque maniaire que ce soit à un partenaire significatif et habituel, commercial ou financier, de la société ou des sociétés de son groupe".
c) La remise en cause du principe de croisement des administrateurs
Résultant, selon le Comité, d'une faiblesse relative du capitalisme francais et plus précisément de l'absence de fonds propres suffisants (telle était tout du moins la situation à l'époque), le croisement des participations a eu pour corollaire le croisement des administrateurs.
Du fait des interrogations que cette pratique suscitait sur le marché (chacune des sociétés concernées ayant un représentant au Conseil de l'autre société), le rapport préconisait que le Conseil veille à ce que le nombre de mandats réciproques ne soit pas excessif en son sein et surtout que "le Conseil d'une société A évite de nommer au sein de son comité des rémunérations comme de son comité des comptes des administrateurs venant d'une société B lorsque au comité analogue de la société B siaige déjà un administrateur venant de la société A".
La limitation du cumul des postes d'administrateurs dans des sociétés cotées, que nous évoquerons plus en détails par la suite, avait également été recommandée afin de permettre de diminuer le nombre de ces croisements d'administrateurs.
d) Le respect des droits d'information et de contrôle du Conseil d'administration
Se faisant écho de la "rumeur publique qui insinue que les administrateurs ne disposent pas d'une information suffisante pour exercer leur mission", le Comité a rappelé que le président a l'obligation de fournir aux administrateurs, dans un délai suffisant, les informations significatives qui leur sont nécessaires pour exercer pleinement leur mission de contrôle. Il s'avaire également primordial que les administrateurs recoivent en temps utile un dossier sur les points de l'ordre du jour qui nécessitent une analyse particuliaire et une réflexion préalable .
Le Comité a donc cru bon d'indiquer que "si un administrateur considaire qu'il n'a pas été mis en situation de délibérer en toute connaissance de cause, il a le devoir de le dire au Conseil et d'exiger l'information indispensable".
e) La rédaction d'une charte fixant les droits et devoirs de l'administrateur
Ainsi que l'évoquait le Comité, les devoirs des administrateurs, bien que contenus dans les textes ou résultant des usages, "ne font guaire l'objet d'exposés systématiques et demeurent souvent implicites". De ce fait, il estimait préférable "que toute ambiguÔté soit levée par une formulation sans équivoque de la déontologie essentielle".
Le Comité a donc proposé une liste des obligations devant 'tre respectées par les administrateurs des sociétés cotées. Nous n'en reproduisons ici que quelques-unes et renvoyons au Rapport Viénot I pour plus de détails :
- l'administrateur doit 'tre actionnaire à titre personnel et posséder, au-delà des seules exigences statutaires, un nombre relativement significatif d'actions†;
- bien qu'étant lui-m'me actionnaire, l'administrateur représente l'ensemble des actionnaires et doit agir en toutes circonstances dans l'intér't social de l'entreprise†;
- l'administrateur a l'obligation de faire part au Conseil de toute situation de conflit d'intér'ts m'me potentiel et doit s'abstenir de participer au vote de la délibération correspondante†;
- l'administrateur doit consacrer à ses fonctions le temps et l'attention nécessaires et, lorsqu'il exerce des fonctions de président ou de directeur général, ne devrait en principe pas accepter d'exercer plus de cinq mandats d'administrateur dans des sociétés cotées francaises ou étrangaires extérieures à son groupe.
2. Le Rapport Viénot II : "1er bilan de la gouvernance en France"
…laboré comme son prédécesseur à l'initiative de l'A.F.E.P. et du M.E.D.E.F. (ex-C.N.P.F.), le Rapport Viénot II, publié en juillet 1999 et intitulé "Rapport sur le gouvernement d'entreprise", visait là encore à répondre au souci des entreprises de préciser certains principes de bon fonctionnement et de transparence propres à améliorer leur gestion et leur image auprais du public et des investisseurs.
Initialement destiné à établir un bilan quatre ans aprais la publication de "Viénot I", le Rapport Viénot II visait surtout à mettre à jour et à compléter les recommandations faites par le premier Comité.
Ainsi que le précise le Comité, bien que le Rapport Viénot I ait été accueilli avec scepticisme, "un grand nombre des recommandations ont eu un effet positif sur le fonctionnement des organes de direction des sociétés et sur leurs relations avec leurs actionnaires" et "on observe un souci croissant des entreprises francaises d'adhérer aux principes du gouvernement d'entreprise aujourd'hui prônés par de nombreuses associations d'actionnaires institutionnels et individuels".
Plus précisément, le Rapport indiquait que "les droits et les devoirs des administrateurs ont été précisés et, dans de nombreuses sociétés, les Conseils ont adopté des Chartes de l'Administrateur aux spécifications précises". En outre, "le décroisement des participations entre sociétés a permis de réduire le nombre des administrateurs réciproques et les administrateurs indépendants ont acquis une présence et un rôle significatifs dans bon nombre de Conseils". Enfin, le Rapport précisait que "l'efficacité des travaux des Conseils a été renforcée par la création de Comités spécialisés".
Mais le défaut du Rapport Viénot II était de ne pas présenter d'exemples chiffrés à l'appui de ces affirmations. Selon la Mission d'information sur la réforme du Droit des sociétés déjà évoquée, le pourcentage des sociétés du CAC 40 présentant de facon détaillée les actions mises en úuvre dans le cadre de l'application de "Viénot I" s'élevait, en 1996, à 37% et, en 1998, à 87%.
Faute d'informations plus détaillées, nous devrons donc nous en tenir à ces chiffres qui, bien que globaux, permettent de mesurer la percée des principes de la corporate governance en France et surtout le souci des sociétés cotées francaises de répondre aux attentes du marché.
Reste à nous intéresser aux propositions faites par le Comité Viénot II, lesquelles peuvent se résumer à†4 axes†:
a) La dissociation des fonctions de président et de directeur général
Appliquée par prais de 90% des sociétés cotées du Royaume-Uni (les autres devant, selon le rapport, "justifier pourquoi elles maintiennent le cumul"), la dissociation des fonctions de président et de directeur général est également de droit en Allemagne et aux Pays-Bas où la structure juridique duale à Conseil de surveillance et directoire a été adoptée.
¿ l'époque de rédaction du rapport, la France était le seul pays à offrir à toutes les sociétés, y compris cotées, le choix entre la formule unitaire (c'est-à-dire à Conseil d'administration) et la formule duale, sachant que cette derniaire n'avait été adoptée que par 2 à 3% des sociétés (mais par 20% des sociétés du CAC 40).
Selon le Comité, il aurait donc été souhaitable d'introduire une plus grande flexibilité dans la formule unitaire en offrant aux sociétés la possibilité de choisir entre cumul ou dissociation. Il faut à cet égard préciser que la législation en vigueur à l'époque imposait le cumul des fonctions, l'unique alternative possible étant le passage à une structure duale présentant nombre de rigidités et de lourdeurs. Seule une modification de la loi aurait donc permis d'obtenir la souplesse recherchée, chaque société optant alors, selon ses besoins, pour la dissociation ou le cumul des fonctions de président du Conseil d'administration et de directeur général.
En outre, ainsi que le soulignait le Comité, une telle approche se serait située en "complaite cohérence tant avec la majorité des pratiques internationales qu'avec les principes de contractualisation et de flexibilité inspirant les propositions de réforme du droit des sociétés présentées par les entreprises depuis plus d'une dizaine d'années".
Il préconisait sur ce point que la loi oblige les sociétés cotées à Conseil d'administration à saisir, dans les 18 mois suivant sa promulgation, l'assemblée générale extraordinaire de la modification des statuts pour permettre l'option entre le cumul ou la dissociation, le Conseil devant ensuite délibérer sur la position à adopter.
En cas d'option pour la dissociation, le Rapport indiquait que "le directeur général bénéficierait des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, tandis que le raiglement intérieur du Conseil préciserait les attributions dévolues au président du Conseil d'administration".
L'adoption d'une telle loi aurait nécessité l'adaptation des dispositions relatives à la responsabilité civile et pénale, les raigles alors applicables n'ayant évidemment pas été les m'mes suivant qu'il aurait été ou non opté pour la dissociation des fonctions.
b) La publicité des rémunérations des dirigeants et des plans d'options de souscriptions ou d'achats d'actions des sociétés cotées
¿ l'exception de la Suaide et de la Grande-Bretagne, aucun pays d'Europe n'imposait aux dirigeants des sociétés cotées de révéler leur rémunération.
Sur ce point, le Comité a jugé que, sauf à l'étendre à d'autres catégories socio-professionnelles qui, selon ses termes, "s'adressent tout autant au public, tels les responsables des médias, les responsables de l'Etat ou des collectivités publiques...", la publicité des rémunérations individuelles des dirigeants des sociétés cotées n'est pas opportune.
En revanche, la nécessité que les actionnaires recoivent une information beaucoup plus détaillée, destinée à leur faire connaître "le coût de la direction générale du groupe" ainsi que "la politique de détermination des rémunérations qui y est appliquée", ressortait clairement du Rapport Viénot II. Le Comité préconisait à cet égard que le Conseil d'administration de chaque société cotée "consacre un chapitre spécifique de son rapport annuel à l'information des actionnaires sur les rémunérations percues par les dirigeants".
Autre point important†: la publicité des plans d'options de souscriptions ou d'achats d'actions. Selon le Comité, toute société cotée ayant attribué des options devrait établir, dans la partie du rapport annuel consacrée à la composition et à l'évolution du capital social, un chapitre spécifique décrivant notamment la politique d'attribution des options et exposant, s'il y a lieu, la politique particuliaire d'attribution aux membres de l'équipe de direction générale.
c) Les administrateurs
Afin de permettre aux actionnaires de pouvoir se prononcer plus souvent sur la désignation de leurs mandataires au Conseil d'administration et aussi d'assurer une "continuité raisonnable" dans l'administration des sociétés, le Rapport Viénot II préconisait une limitation de la durée du mandat à 4 ans (laquelle était, à l'époque, fixée à 6 ans).
Il soulignait en outre la nécessité pour les actionnaires de disposer de tous les éléments d'appréciation nécessaires à la désignation des administrateurs, préconisant à cet effet l'inscription dans le rapport annuel des dates de début et d'expiration de mandat de chaque administrateur ainsi que divers renseignements tels que l'‚ge, la principale fonction exercée, les mandats éventuellement détenus dans des sociétés extérieures au groupe...
Enfin, le Comité a rappelé la raigle posée par le Rapport Viénot I, à savoir que l'administrateur doit consacrer à ses fonctions le temps et l'attention nécessaires et, lorsqu'il exerce des fonctions de président ou de directeur général, ne devrait en principe pas accepter d'exercer plus de cinq mandats d'administrateur dans des sociétés cotées francaises ou étrangaires extérieures à son groupe.
d) Le fonctionnement du Conseil d'administration et des comités du Conseil
Reprenant à nouveau une préconisation de Viénot I, le Comité a rappelé que chaque Conseil d'administration a "le devoir de réfléchir à l'équilibre souhaitable de sa composition ou de celle des comités qu'il constitue en son sein" et de "s'interroger périodiquement sur l'adéquation avec ses t‚ches de son organisation et de son fonctionnement". Il s'avaire en effet nécessaire de répondre aux attentes des actionnaires lui ayant donnés mandat d'administrer la société.
Concernant les administrateurs indépendants dont la présence augmentait à l'époque de facon constante dans beaucoup de Conseils, le Comité a rappelé qu'ils constituent un "élément essentiel de la garantie de la prise en compte de l'intér't de l'ensemble des actionnaires dans les décisions de la société". Aprais en avoir donné une définition simplifiée par rapport à Viénot I, le Comité a notamment considéré que leur nombre devrait 'tre d'au moins un tiers dans le Conseil d'administration, le comité des comptes et le comité des rémunérations et qu'ils devraient 'tre individuellement identifiés dans le rapport annuel.
S'agissant des séances du Conseil d'administration et les réunions des comités du Conseil, le Comité a repris une préconisation de Viénot I déjà évoquée et selon laquelle "le rapport annuel doit indiquer le nombre des réunions du Conseil d'administration et des comités du Conseil qui se sont tenues au cours de l'exercice écoulé, et fournir aux actionnaires une information sur la participation effective des administrateurs à ces réunions".
Il en va de m'me pour l'obligation d'information préalable et permanente des administrateurs (laquelle doit 'tre suffisante, pertinente et de qualité et incombe au président du Conseil d'administration), nous ne nous y attarderons donc pas davantage et renvoyons aux développements précédents.
Précisons enfin que le Comité jugeait nécessaire que les sociétés cotées fassent état de maniaire précise, dans leur rapport annuel, de l'application des recommandations des rapports Viénot I et II et explicitent, le cas échéant, les raisons pour lesquelles elles n'auraient pas mis en úuvre certaines d'entre elles.
3. La loi NRE du 15 mai 2001 ou l'introduction d'éléments de la gouvernance dans l'appareil législatif francais
Adoptée le 15 mai 2001 aprais plus d'un an de discussions, la Loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (dite Loi NRE) avait pour objectif d'intégrer des principes du gouvernement d'entreprise au droit positif francais.
De lecture difficile car intervenant dans des domaines trais variés, la loi NRE, incorporée dans le Livre†II du Code de Commerce, entendait notamment moderniser les raigles du droit des sociétés commerciales†et les raigles relatives aux délais de paiement.
Concernant plus particuliairement notre propos, quatre types de mesures doivent 'tre retenus.
a) La possible dissociation des fonctions de président et de directeur général
Ainsi que nous l'indiquions précédemment, la loi du 24 juillet 1966 ne dissociait pas les pouvoirs du Conseil d'administration, de son président et du directeur général.
Revendiquée dans le Rapport Viénot II qui mettait en avant des impératifs de souplesse et d'équilibre entre ces organes, la possibilité de dissocier les fonctions de président du Conseil d'administration et de directeur général a finalement été instaurée par la loi NRE qui distingue désormais clairement leurs prérogatives respectives.
L'article L.225-51-1 al. 2 C.Com (art. L.106-4ù NRE) indique en effet que le Conseil d'administration peut décider de confier la direction générale de la société soit au président du Conseil d'administration, soit au directeur général.†Les statuts peuvent toutefois interdire la dissociation de ces fonctions ou leur fusion.
Remarquons que ceci ne vaut que pour les sociétés immatriculées depuis le 16 mai 2001. En effet, concernant les sociétés cotées immatriculées avant le 16 mai 2001, l'article L.131 de la loi NRE indique qu'elles doivent convoquer une Assemblée générale extraordinaire (AGE) dans un délai de 18 mois à dater du 16 mai 2001 pour procéder à la modification des statuts. Ceux-ci doivent prévoir les conditions dans lesquelles le Conseil d'administration choisira la personne qui assumera la direction générale de la société†(à savoir le président du Conseil d'administration ou le directeur général autre que le président du Conseil). ¿ défaut tout† intéressé pourra demander au président du tribunal de commerce statuant en référé d'enjoindre au Conseil d'administration de procéder à cette convocation.
¿ titre indicatif, précisons enfin que lorsque les fonctions de président du Conseil d'administration (PCA) et de directeur général (DG)†sont assumées par deux personnes distinctes, le représentant légal est le DG auquel il peut 'tre adjoint au maximum 5 directeurs généraux délégués (DGD). Lorsqu'il y a cumul des fonctions, c'est le président qui assume la direction générale de la société (PCA-DG) et en est par conséquent le représentant légal. Cinq directeurs généraux délégués peuvent également lui 'tre adjoint.
b) La limitation du cumul des mandats sociaux
La loi NRE, et plus précisément l'article 110, a introduit dans le Code de commerce de nouvelles dispositions restreignant le cumul des mandats de dirigeants de sociétés anonymes, reprenant ainsi les préconisations des rapports Viénot.
aa) Mandat de directeur général†
Conformément à l'article L.225-54-1, al. 1 (art. 110-3ù NRE), une personne physique ne peut exercer simultanément plus d'un mandat de directeur général de sociétés anonymes ayant leur siaige sur le territoire francais.
bb) Mandat d'administrateur ou de membre du Conseil de surveillance†
Selon l'article L.225-21, al.1 (art. 110-1ù NRE), une personne physique ne peut pas exercer simultanément plus de cinq mandats d'administrateurs.
cc) Mandat de président du Conseil d'administration
Il peut, comme un simple administrateur, cumuler cinq mandats.† Lorsqu'il assume également les fonctions de directeur général, les dispositions sur le cumul des mandats de directeur général sont applicables.
dd) Mandat de membre du Directoire
Il ressort de l'article L.225-67 (art. 110-4ù NRE) qu'une personne physique ne peut exercer plus d'un mandat de membre du Directoire.
ee) Plafond global des mandats
L'article L.225-94-1, al.1 (art. 110-7ù NRE), pose un plafond global des mandats selon lequel une m'me personne physique ne peut pas cumuler plus de cinq mandats de directeur général, administrateur, membre du directoire ou du Conseil de surveillance.
Par exception, un deuxiaime mandat de m'me nature peut 'tre exercé dans une société contrôlée par celle où le dirigeant occupe son premier mandat, dais lors que ses titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé.
Toute personne qui exerce un mandat en infraction avec ces raigles de cumul doit, selon l'article L.225-94-1, al.3, se démettre de l'un de ses mandats dans les trois mois de sa nomination. ¿ défaut, elle est démise d'office et doit restituer toute rémunération percue.
c) La clarification des missions du Conseil d'administration
Avant tout développement supplémentaire, il est important de préciser que le nombre maximum de membres du Conseil d'Administration a été abaissé de 24 à 18 (et de 30 à 24 en cas de fusion) par la loi NRE (art. 104-1ù et -3ù, incorporés aux art. L.225-17 et L.225-95 C.Com), celui-ci ayant jusqu'au 16 mai 2004 pour se mettre en conformité (art. 129 NRE).
Ainsi que nous l'indiquions précédemment, le Conseil était, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi NRE, "investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société" (art.98-1 loi du 24/7/1966).
Mais l'article 106, 1ù de cette loi a introduit une distinction entre son pouvoir de gestion et son pouvoir de contrôle. L'article L.225-35 C.Com issu de cette disposition lui attribue désormais trois missions†principales:
- "il détermine les orientations de l'activité et veille à leur mise en úuvre" (al.1),
- "il se saisit de toutes questions intéressant la bonne marche de la société et raigle par ses délibérations les affaires qui la concernent" (al.1)
- "il procaide aux contrôles et vérifications qu'il juge opportuns" (al.3)
Ce faisant, le législateur a souhaité répartir les fonctions de gestion entre le directeur général, qui assure la gestion courante et le Conseil d'administration, qui la contrôle. Notons cependant que la responsabilité pour faute de gestion à l'encontre des administrateurs, prévue à l'article L.225-251 C.Com, est maintenue. Il en est de m'me pour la raigle selon laquelle la société, dans ses rapports avec les tiers, est engagée par les actes du Conseil, m'me par ceux qui ne relaivent pas de l'objet social.†
Il convient enfin d'indiquer plus précisément quelles fonctions sont désormais attribuées au président du Conseil d'administration et au directeur général.
Concernant le président du Conseil d'administration, force est de constater que, lorsqu'il n'assure pas en m'me temps la direction générale de la société, son rôle est considérablement réduit.
En vertu de l'article L.225-51 C.Com (art. 106-3ù NRE), "il représente le Conseil d'administration, organise et dirige les travaux du Conseil, dont il rend compte à l'Assemblée générale†". Il veille en outre "au bon fonctionnement des organes de la société et s'assure que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission". Précisons enfin que le président du Conseil d'administration peut 'tre saisi par le directeur général afin qu'il convoque le Conseil sur un ordre du jour déterminé. Il est alors lié par cette demande.
Le directeur général a quant à lui hérité des pouvoirs qui appartenaient au président du Conseil d'administration (dans l'hypothaise, bien sûr, d'une dissociation de ces fonctions). Il dispose désormais des "pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société". Il les exerce "dans la limite de l'objet social et représente la société dans ses rapports avec les tiers". Enfin, "il engage la société par ses actes ne relevant pas de l'objet social" (art. L.225-56 C.Com†; art. 107-4ù NRE).
Précisons enfin que le directeur général et les éventuels directeurs généraux délégués (dont le nombre maximum est fixé à cinq) sont obligatoirement des personnes physiques, nommées par le Conseil d'administration (art. L 225-51-1 C.Com†; art. 106-4ù NRE).
d) La publication de la rémunération individuelle des mandataires sociaux
Répondant au souhait d'un renforcement du droit d'information des actionnaires, la loi NRE a mis en place des mesures de publicité† relatives à la rémunération des mandataires sociaux. Ces mesures concernent non seulement les rémunérations au sens strict, c'est-à-dire le salaire et†les avantages en nature, mais également les plans de stock option.
Conformément à l'article L.225-102-1 C.Com (art. 116 I NRE), le rapport de gestion devra ainsi "rendre compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés durant l'exercice à chaque mandataire social†". Notons que ces dispositions ne sont applicables qu'aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandites par actions (pas aux† sociétés par actions simplifiées).
Concernant la mise en place de plan d'options, l'article L.225-184 C.Com (art. 132 III NRE) prévoit qu'un rapport spécial informe chaque année l'assemblée générale ordinaire des plans d'options mis en place. Ce rapport doit contenir le détail des stocks options mises en place pour tous les mandataires sociaux, mais également les dix salariés non-mandataires sociaux bénéficiant du plus grand nombre d'options. Il doit en outre préciser le nombre d'options, leur échéance, leur prix, ainsi que les options levées en cours d'année. Notons enfin que ceci s'applique à toutes les sociétés par actions (SA, SCA et SAS).
Mais malgré les prograis réalisés en matiaire de gouvernance d'entreprise, les réformes mises en place vont montrer leurs limites avec la révélation en février 2002 de l'affaire Enron, suivie quelques mois plus tard par l'affaire WorldCom. Remettant en cause tout un mode de fonctionnement du libéralisme financier, ces affaires ont plongé les marchés dans une véritable crise de confiance.
La réponse des Etats-Unis, premiers concernés par ces dérives financiaires, ne s'est alors pas fait attendre. Avec le Sarbanes Oxley Act entré en vigueur le 30 juillet 2002, c'est tout le Droit américain des sociétés qui s'est trouvé réformé en profondeur.
Du côté francais, la réaction, bien que moins rapide, n'en a pas été moins significative avec la Loi de Sécurité Financiaire, entrée en vigueur le 1er août 2003.
I. La réponse francaise à la crise de confiance ouverte par les scandales Enron et WorldCom
La réponse francaise aux scandales Enron et WorldCom et à la crise de confiance qui s'en est suivie peut se décomposer en deux étapes. La 1aire est la publication, en septembre 2002, du Rapport Bouton qui constitue la réponse des dirigeants francais. La 2nde correspond à l'entrée en vigueur, le 1er août 2003, de la Loi de Sécurité Financiaire
4. Le Rapport Bouton de septembre 2002 : "réponse des dirigeants francais à la crise†de confiance"
Initié là encore par le M.E.D.E.F. et l'A.F.E.P. et issu des travaux du groupe de travail présidé par M. Daniel Bouton, président de la Société Générale, ce rapport (ci-aprais Rapport Bouton) intitulé "Pour un meilleur gouvernement des entreprises cotées†" est axé autour de trois thaimes†:
a) L'amélioration des pratiques de gouvernance d'entreprise
Celle-ci passe selon les auteurs du rapport par des mesures touchant à la fois le Conseil d'administration et les comités spécialisés.
aa) Les mesures relatives au Conseil d'administration
Concernant le rôle et le fonctionnement du Conseil d'administration, le Rapport Bouton a insisté sur l'importance des comités spécialisés (sur lesquels nous reviendrons par la suite) dans le bon fonctionnement du Conseil. Il a, à ce propos, réaffirmé la nécessité que "l'examen des comptes, le suivi de l'audit interne, la sélection des Commissaires aux comptes, la politique des rémunérations et des stocks-options ainsi que les nominations des administrateurs et des mandataires sociaux fassent l'objet d'un travail préparatoire par un comité spécialisé du Conseil d'administration".
Reprenant en cela le Rapport Viénot II, il a également rappelé que "l'information préalable et permanente des administrateurs est une condition primordiale du bon exercice de leur mission".
S'agissant de la composition du Conseil d'administration, qui doit 'tre "un savant dosage de compétence, d'expérience et d'indépendance au service de l'intér't de la société et des actionnaires", le Rapport Bouton a plus particuliairement insisté sur la nécessaire présence d'administrateurs indépendants.
Précisant encore la définition de cette notion par rapport à celle donnée par Viénot II, il a également préconisé, d'une part, que leur proportion, fixée à au moins un tiers par Viénot II, soit portée à la moitié des membres du Conseil dans les sociétés au capital dispersé et dépourvues d'actionnaires de contrôle et, d'autre part, que la qualification d'administrateur indépendant soit débattue par le comité des rémunérations et revue chaque année par le Conseil d'administration avant la publication du rapport annuel.
Il convient enfin d'indiquer que l'importance de l'évaluation du Conseil d'administration, déjà soulignée dans les Rapports Viénot, a été réaffirmée dans le Rapport Bouton, trop peu de Conseils d'administration ayant, selon ses auteurs, "procédé à une évaluation formalisée de leur fonctionnement". Essentielle à leurs yeux, cette démarche devrait viser trois objectifs†:
- "faire le point sur les modalités de fonctionnement du Conseil
- vérifier que les questions importantes sont convenablement préparées et débattues
- mesurer la contribution effective de chaque administrateur aux travaux du Conseil du fait de sa compétence et de son implication dans les délibérations"
Le groupe de travail Bouton estimait donc nécessaire, d'une part, que le Conseil d'administration consacre, une fois par an, un point de son ordre du jour à un débat sur son fonctionnement et, d'autre part, qu'une évaluation formalisée soit réalisée au moins tous les trois ans (éventuellement sous la direction d'un administrateur indépendant et avec l'aide d'un consultant extérieur). Il recommandait en outre que les administrateurs extérieurs à l'entreprise (c'est-à-dire ni mandataires sociaux ni salariés) se réunissent une fois par an pour évaluer les performances du Président et du directeur général.
Ainsi que nous le verrons par la suite, la Loi de sécurité financiaire du 1er août 2003 reprendra cette procédure d'évaluation.
bb) Les mesures relatives aux comités spécialisés
S'agissant du comité des comptes, dont la mise en place avait été recommandée par les Rapports Viénot et dont la mission, rappelons-le, est de s'assurer de la pertinence et de la permanence des méthodes comptables adoptées pour l'établissement des comptes consolidés et sociaux de l'entreprise et de vérifier que les procédures internes de collecte et de contrôle des informations garantissent celles-ci, le Rapport Bouton préconisait notamment une présence accrue d'administrateurs indépendants (au moins deux-tiers des membres) et l'absence de mandataire social en son sein.
Le groupe de travail présidé par M. Bouton recommandait également que ce comité soit mis en mesure d'entendre non seulement les Commissaires aux comptes mais aussi les directeurs financiers, comptables et de la trésorerie et ce hors la présence de la direction générale de l'entreprise.
Le Rapport Bouton préconisait enfin que le comité des comptes dirige la procédure de sélection des Commissaires aux comptes et veille au respect des raigles garantissant leur indépendance.
Concernant le comité des rémunérations qui, selon les Rapports Viénot, ne doit comporter aucun mandataire social et doit 'tre composé majoritairement d'administrateurs indépendants, le Rapport Bouton faisait à juste titre remarquer que le contrôle de la politique de rémunération des dirigeants (assuré à la fois par ce comité et par le Conseil d'administration) constitue l'un des thaimes-phares de la gouvernance d'entreprise.
Précisant qu'il n'était pas utile de modifier les raigles francaises selon lesquelles la rémunération du Président, du Directeur général et des Directeurs généraux délégués est déterminée par le Conseil d'administration (art. L.225-47 al. 1er et art. L.225-53 al. 3 C.Com), le Rapport Bouton a toutefois indiqué que le comité des rémunérations doit jouer "un rôle central dans la détermination de la part variable de la rémunération des mandataires sociaux". Plus précisément, ce comité doit définir les raigles de fixation de cette part variable et veiller à la cohérence de ces raigles avec l'évaluation annuelle des performances des mandataires sociaux. Le Rapport recommandait enfin que le comité apprécie l'ensemble des rémunérations percues par les dirigeants.
b) L'indépendance des commissaires aux comptes
La question de l'indépendance des commissaires aux comptes, soulevée à la suite de l'affaire Enron du fait de l'implication du cabinet Andersen, constituait le second axe de réflexion du groupe de travail Bouton. Diverses recommandations destinées à garantir à la fois leur indépendance et leur responsabilité ont été formulées mais, afin d'éviter des développements trop fastidieux, nous ne mentionnerons que les plus significatives.
Le Rapport a tout d'abord insisté sur la nécessité que le double commissariat, particularité du régime francais (art. L.225-227 et L.225-228 al. 3 C.Com), soit effectif, c'est-à-dire que "les questions importantes apparaissant lors de l'établissement des comptes doivent réellement faire l'objet d'un double examen†".
Le comité des comptes devrait en outre 'tre informé du "détail des honoraires versés par la société et son groupe aux commissaires aux comptes et aux autres sociétés des réseaux auxquels ils appartiennent".
Enfin, la sélection ou le renouvellement des commissaires aux comptes devraient 'tre précédés, sur décision du Conseil d'administration, d'un "appel d'offre supervisé par le comité des comptes qui veillerait à la sélection du mieux-disant et non du moins-disant". Le comité devrait en outre formuler un avis sur le choix des commissaires et le montant des honoraires sollicités et en faire part au Conseil d'administration.
c) L'information financiaire et les normes et pratiques comptables
S'agissant de l'information financiaire, le Rapport Bouton soulignait notamment la nécessité que chaque entreprise "veille à avoir une politique trais rigoureuse de communication avec les analystes et le marché" (et évite ainsi les pratiques de "révélations sélectives†").
Plus précisément, le Rapport estimait nécessaire que chaque société cotée dispose en son sein de "procédures fiables d'identification et d'évaluation de ses engagements et risques" et assure aux actionnaires et investisseurs une information pertinente en ce domaine.
Concernant les normes et pratiques comptables, dont la qualité est "au cúur du bon fonctionnement des marchés financiers et du développement des entreprises", le Rapport saluait les efforts d'harmonisation entrepris au niveau international par des institutions telles que l'IASB (International Accounting Standards Board) ou la Fédération des experts-comptables européens (FEE) avec le passage aux normes IFRS à l'horizon 2005. Visant à "améliorer la comparabilité des états financiers et à parvenir à l'élaboration d'un langage comptable commun supra national", ce processus d'harmonisation n'est cependant pas exempt de critiques.
Outre une absence de vision globale et concertée sur les finalités et le contenu des normes, susceptible de conduire au développement d'une information complexe détaillée et finalement opaque plutôt qu'à une information synthétique répondant aux attentes des différents utilisateurs des états financiers, la principale critique repose sur l'utilisation de la "juste valeur" en lieu et place du principe des coûts historiques. Consistant en une estimation en valeur de marché des actifs et passifs, l'évaluation en "juste valeur" (ou fair value) a en effet pour conséquence d'entraîner une plus grande volatilité des comptes en l'absence de "références fiables, cohérentes et comparables". Le Rapport recommandait donc que l'on mette davantage l'accent sur la définition d'indicateurs plutôt que sur des v